Actualité
Les plathelminthes terrestres envahissants peuvent-ils constituer un danger pour la santé ?
Jean-Lou Justine
Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), UMR7205 CNRS, EPHE, MNHN, UPMC, Muséum national d’Histoire naturelle, 55 rue Buffon, 75005 Paris
Obama nungara (Crédit photo : Pierre Gros)
Les plathelminthes terrestres envahissants sont bien connus du public. Leur invasion a été suivie grâce à la participation de nombreux volontaires dans une démarche de science participative. Plus de vingt espèces ont été recensées en France métropolitaine. L’invasion de ces espèces est spectaculaire par son étendue et son intensité : pour l’espèce Obama nungara par exemple, les trois quarts du territoire français sont envahis et un seul jardin peut héberger des milliers d’individus. Les Obama nungara ou les Caenoplana variegata sont d’une taille bien visible (5-10 cm) et certaines espèces, comme Bipalium kewense, peuvent atteindre 30 cm de long. L’origine de ces animaux est variée : Amérique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Asie du Sud-Est.
Cette invasion est récente (moins de 20 ans) et crée donc des situations nouvelles de rencontre entre des millions d’individus de ces animaux exotiques, d’une part, et les humains et les animaux domestiques, d’autre part.
On peut donc se poser la question du possible danger pour la santé humaine et animale de ces animaux très abondants et très proches de nous, dans les jardins.
Les plathelminthes terrestres peuvent être toxiques en cas d’ingestion du fait des composés chimiques sécrétés, en particulier leur mucus. On sait par exemple que les chats vomissent les Plathelminthes qu’ils avalent en léchant leur pelage. Certains de ces plathelminthes, les Bipaliinae ou vers plats à tête en forme de marteau, comme Bipalium kewense, sécrètent de la tétrodotoxine, une neurotoxine extrêmement puissante (c’est le poison du fameux poisson japonais, le fugu). Toutefois, les quantités produites, tout à fait capables de paralyser un ver de terre, semblent bien trop faibles pour être dangereuses pour un animal domestique ou un être humain.
Finalement, le danger potentiel pour la santé le plus élevé des plathelminthes terrestres est leur rôle possible dans les cycles de certains parasites. Si aucun cycle de parasite ne tourne régulièrement en passant par les plathelminthes terrestres, ceux-ci peuvent néanmoins jouer un rôle en s’insérant dans des cycles où ils ne sont habituellement pas impliqués. Les nématodes du genre Angiostrongylus sont les agents des angiostrongyloses (méningites à éosinophiles) qui peuvent être fatales chez l’Homme. Ces nématodes sont communs dans les régions tropicales et commencent à être signalés dans le bassin méditerranéen. Le cycle des Angiostrongylus tourne normalement entre les rats et les mollusques terrestres et les contaminations humaines se font quand une personne avale une limace infestée de larves de nématodes. Les plathelminthes terrestres peuvent s’insérer dans ce cycle en consommant un mollusque. Les larves des nématodes survivent alors dans l’intestin du plathelminthe et pourront être transmises… si le plathelminthe lui-même est mangé. Le plathelminthe joue alors un rôle appelé « hôte paraténique ».
Étant donné la présence abondante – et nouvelle – des plathelminthes terrestres dans les jardins de toute l’Europe, il est légitime de s’inquiéter de leur possible rôle comme hôtes paraténiques des nématodes comme les Angiostrongylus.
Les articles signés n’engagent pas la responsabilité de la SFMTSI
Voir plus..