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La maladie du sommeil éliminée en Côte d’Ivoire
Les bonnes nouvelles en santé sont rares. Savourons l’annonce que la Côte d’Ivoire s’est débarrassée de la maladie du sommeil, qui l’a longtemps terriblement touchée.
L’annonce par l’OMS de l’« élimination comme problème de santé publique » (voir glossaire) de la maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine, THA) en Côte d’Ivoire est un nouveau succès dans la lutte contre cette maladie qui touchait encore 300 000 personnes par an en Afrique en 1998. Cette affection, longtemps fléau du continent, est due à un parasite (Trypanosoma brucei) transmis à l’homme par la piqûre de la glossine, ou mouche tsé-tsé. La maladie évolue sur plusieurs années, provoquant des œdèmes, des troubles neurologiques (dont les troubles du sommeil qui lui ont conféré son nom commun) et des troubles psychiatriques avant d’évoluer, sans traitement, vers la mort.
En l’absence de vaccin, les efforts de lutte médicale et anti-vectorielle déployés depuis les années 1930 et relancés dans les dernières années du XXème siècle ont permis de circonscrire les épidémies, principalement liées en Côte d’Ivoire au développement des cultures de rente (café, cacao en particulier). On est alors passé en 2018 à moins de 1000 cas rapportés pour l’ensemble du continent. En Côte d’Ivoire, neuf cas de THA avaient été dépistés depuis 2015 dans les deux derniers foyers endémiques du pays (Bonon et Sinfra) et tous les districts sanitaires ont reporté moins d’un cas pour 10 000 habitants par an de 2015 à 2019.
« Je consacre ce moment important à des décennies de travail acharné et à la contribution individuelle de chaque travailleur de la santé qui a bravé certains des défis les plus difficiles pour atteindre les populations, souvent dans des zones rurales éloignées », a déclaré le ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique de Côte d’Ivoire lors de la célébration de cette étape. « Notre défi consiste maintenant à maintenir le niveau de surveillance requis et, avec l’aide de tous, à parvenir à l’interruption de la transmission de la maladie. »
En effet, l’« élimination comme problème de santé publique » ne marque pas la fin de la lutte contre la maladie pour laquelle il existe un réservoir animal – incluant le vecteur – et qui peut donc être réintroduite chez l’homme. La prévention de toute réémergence nécessite le maintien d’un système de surveillance et d’indicateurs qui permettront d’atteindre la prochaine étape fixée par la feuille de route de l’OMS 2021-2030 sur les maladies tropicales négligées, qui est « l’élimination avec interruption de la transmission ». Dans un contexte de basse prévalence, tous les acteurs doivent rester mobilisés pour garantir le maintien de la volonté politique, un niveau suffisant de ressources humaines dédiées pour un problème de santé qui pourrait ne plus être considéré comme une menace et la mise en œuvre d’une véritable approche « one health » durable.
Pour en savoir plus : « Vaincre la maladie du sommeil, un défi pour la recherche ».
Philippe Solano, IRD, SFMTSI
Cet article engage son auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue de la SFMTSI.
Glossaire (définitions OMS NTD-STAG 2016)
Contrôle = Réduction locale à un niveau acceptable. Des interventions continues sont nécessaires pour maintenir la réduction.
Elimination comme problème de santé publique= Accomplissement global des objectifs mesurables. Lorsqu’ils sont atteints, des mesures continues sont nécessaires pour maintenir les objectifs et/ou pour faire progresser vers l’interruption de la transmission. Processus= validation (OMS).
Elimination comme interruption de la transmission= Réduction à zéro de l’incidence dans les zones bien définies, avec risque minimal de réintroduction. La poursuite des mesures peut être nécessaire pour prévenir le rétablissement de la transmission. Processus= vérification (OMS).
Eradication= Réduction permanente à zéro d’un agent pathogène spécifique sans risque de réintroduction. Processus= certification (OMS).
Figure 1.
Gauche : cycle épidémiologique des trypanosomoses humaines et animales africaines, transmises par la mouche tsé-tsé. Source : Dominique Cuisance, 1989.
Droite : Evolution du nombre total de cas de THA rapportés depuis 1940 sur l’ensemble des pays endémiques montrant un contrôle progressif à partir des années 1960 après la terrible épidémie du début du siècle, suivi par la réémergence progressive ayant causé une nouvelle épidémie dans les années 1990. Source : auteurs à partir de données OMS.
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