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Les 10 années de la chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) en 10 points essentiels
Médard DJEDANEM* (1), Ronan JAMBOU (1,2)
1. Centre d’étude et de recherche médicale et sanitaire (CERMES), BP 10887 Niamey, Niger
2. Département Santé globale, Institut Pasteur, 75015 Paris, France
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ÉDITORIAL
La chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) est recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) depuis 2012, dans les zones où le paludisme sévit de façon endémique mais saisonnière.
1. Qu’est-ce que la CPS ?
Elle consiste à administrer un traitement antipaludique systématique complet (sur trois jours) aux enfants non malades à base de Sulfadoxine-Pyriméthamine+Amodiaquine (SPAQ). Le traitement est renouvelé chaque mois pendant trois à cinq mois au cours de la saison des pluies. Elle concerne les enfants de 3 à 59 mois. Ce traitement reste actif environ 28 jours après son administration.
2. Quels pays l’utilisent ?
Treize pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Tchad, Togo) l’appliquent à l’échelle nationale ou régionale.
3. La CPS est-elle efficace ?
Il est difficile d’établir des données sur l’efficacité de la CPS elle-même, car elle est toujours associée à d’autres stratégies de lutte. Plusieurs pays africains avancent des chiffres entre 55 et 73 % de réduction de l’incidence du paludisme simple chez les enfants de moins de 5 ans, une réduction de 26 % de l’incidence du paludisme grave et de 42 à 48 % de la mortalité due au paludisme. Mais attribuer ces succès à la CPS reste difficile.
4. Quelle est la couverture globale réelle des enfants cibles en Afrique ?
Le taux de couverture de la CPS est également difficile à appréhender, avant tout pour des problèmes de recensement des populations cibles. La deuxième difficulté repose sur l’inobservance des 2e et 3e doses prises à domicile. Enfin, il est également difficile de revoir trois à cinq fois le même enfant sur une saison de transmission. Au Niger en 2021 le taux de couverture était estimé à 99,94 %, variant de 92,35 % à Maradi, à 108,38 % à Niamey. De même le Sénégal déclarait 90 % de couverture et la Gambie 74 % la même année. Ces taux supérieurs à 100 % illustrent bien les problèmes d’estimation des populations cibles.
5. La CPS est-elle bien acceptée ?
La CPS est largement acceptée par les familles dans la plupart des pays africains. Néanmoins des effets indésirables sont rapportés comme les vomissements, la diarrhée, et des éruptions en lien le plus souvent avec l’amodiaquine. Cependant c’est la compliance réelle au traitement complet de trois jours qui pose un problème, car les parents préfèrent garder les 2e et 3e doses en réserve en cas d’accès fébrile.
6. Quel coût pour cette stratégie ?
Le coût global de la CPS est évalué par l’OMS à environ 3,6 dollars par enfant et par an dans différents pays africains. Mais il est probable que ce coût soit sous-estimé. L’essentiel du coût réside dans la logistique à mettre en place pour accéder aux enfants (les équipes faisant des passages à domicile). Au Niger où les populations se dispersent sur de vastes territoires sahéliens, le coût de la CPS est estimé à 40 millions d’USD chaque année.
7. Quelles sont les difficultés actuelles ?
Les obstacles majeurs à l’application de la CPS sont : i) sa logistique complexe pour atteindre les communautés, surtout lorsque l’insécurité et les difficultés d’accessibilité sont nombreuses ; ii) les difficultés à retrouver trois à cinq fois le même enfant sur la saison pour le traiter ; iii) les difficultés à établir des recensements permettant une programmation logistique efficace et une évaluation de l’efficacité réaliste.
8. Comment améliorer l’efficacité de la CPS ?
- Le coût de la CPS reste un problème pour une prise en charge sur le long terme. Réduire les coûts passe par une mutualisation des campagnes de prise en charge communautaires avec d’autres programmes comme la détection de la malnutrition et de la tuberculose. Ce qui se met en place dans des pays comme le Niger.
- Adapter la CPS aux classes d’âge : actuellement la CPS n’est déployée que chez les enfants de moins de 5 ans. Cependant, dans les zones de transmission hypo- ou méso-endémique on constate une augmentation significative des cas de paludisme chez les enfants de plus de 5 ans moins bien protégés. La CPS devrait donc être étendue jusqu’à l’âge de 10 ans selon le contexte épidémiologique local.
- Inclure les zones sahélo-sahariennes : la CPS ne concerne actuellement que les zones de pluviométrie supérieure à 600 mm d’eau, alors que le paludisme très saisonnier serait sans doute le plus impacté par une stratégie de traitement systématique des enfants.
9. La chimiorésistance va-t-elle compromettre l’efficacité de la CPS ?
La CPS s’inspire des anciennes stratégies de quininisation, puis de nivaquinisation qui ont été mises en péril par l’apparition des chimiorésistances. La résistance à la SP progresse partout en Afrique, comme le montre le pourcentage des souches triples à quintuples mutantes pour la dihydropteroate synthetase (DHPS)/dihydrofolate reductase (DHFR) (actuellement de l’ordre de 15 à 20 % dans toutes les études). L’adjonction d’une molécule partenaire préserve encore l’efficacité de la combinaison, mais il serait bon de repenser dès maintenant cette stratégie qui est aussi utilisée en traitement préventif chez la femme enceinte. D’autant qu’il n’est pas envisageable d’utiliser les dérivés de l’artémisinine réservés au traitement des malades.
10. Les changements environnementaux et climatiques vont-ils compromettre la CPS ?
En Afrique et particulièrement au Sahel, l’urbanisation et les changements climatiques modifient rapidement les écosystèmes. Le paludisme sévit maintenant tard dans la saison sèche (jusqu’à février-mars au Niger) et des cycles de traitement devraient être envisagés pendant la saison sèche. Ces changements de biotopes sont également associés à des modifications des espèces vectrices avec un retour rapide d’Anopheles funestus dans le Sahel, mais surtout avec l’invasion de l’Afrique de l’Ouest et centrale par An. stephensis. Ce vecteur des mégapoles indiennes compromet l’avenir de toutes les stratégies de lutte contre le paludisme en Afrique, où 60 % de la population sera urbaine en 2050.
En conclusion
Après 10 ans, la CPS a montré son intérêt comme moyen de lutter dans le cadre d’une stratégie intégrée de contrôle du paludisme. Cependant de grands dangers pèsent sur son avenir, et son application devrait dès maintenant être adaptée aux changements de biotope que subit l’Afrique.
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Le Geneva Health Forum : une plateforme pour rendre visible les expériences de terrain
Le Geneva Health Forum (GHF) est organisé par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève en partenariat avec 26 organisations de santé globale. Le GHF pense que seule une approche multidisciplinaire impliquant un large éventail d’acteurs permettra d’apporter des solutions innovantes à la complexité des défis auxquels nous sommes confrontés. S’appuyant sur la dynamique de la Genève internationale, le Geneva Health Forum a organisé, depuis 2006, 9 éditions d’une importante conférence de santé globale qui s’est tenue tous les 2 ans.
À proximité immédiate du siège de l’OMS et de l’Assemblée mondiale de la Santé qui se déroule chaque année en mai et de plus de 250 organisations qui ont installé leur siège à Genève, le GHF crée ainsi un espace de dialogue et souhaite faire entendre la voix des scientifiques et des acteurs de terrain. Ce dialogue de la société civile est essentiel pour nourrir les réflexions des débats politiques.
Pour remplir cette mission, le GHF se fixe pour objectifs de :
- donner plus de visibilité aux acteurs innovants de la santé globale et en particulier les acteurs de terrain ;
- faciliter le travail en réseau, l’échange d’expériences et la collaboration ;
- développer des solutions et lancer des initiatives.
Le GHF concentre ses efforts en particulier sur les domaines suivants :
- la santé environnementale, santé planétaire, One Health ;
- la santé comme bien commun ;
- la santé digitale ;
- la santé globale dans les contextes fragiles (humanitaires, développement).
À partir de 2023, pour mieux répondre aux demandes qui lui sont faites, le GHF va développer des activités régulières, tout au long de l’année, sous forme de panels de discussion, de tables rondes ou de groupes de travail.
La conférence du GHF invitera la communauté scientifique et les acteurs de terrain à venir faire entendre leur voix lors de l’Assemblée mondiale de la santé. Elle deviendra annuelle et se déroulera lors de la semaine de l’Assemblée mondiale de la santé afin d’en nourrir les débats avec les expériences de terrain.
La SFMTSI a initié un dialogue avec le GHF afin de développer des activités communes dans le cadre de la francophonie.
Eric Comte
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PORTS, la Plateforme Ouverte en Ressources Tropicales de Santé
Une plateforme de partage de documents centrés sur la santé tropicale vient d’être créée par le GISPE, ouverte à tous. Il suffit de s’inscrire…
Avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), le GISPE (Groupe d’intervention en santé publique et épidémiologie) a créé PORTS, une plateforme de partage de documents centrés sur la santé tropicale.
Cette plateforme gratuite, ouverte sur inscription, permet d’accéder à des documents, des articles scientifiques, des rapports, des vidéos, des photographies en lien avec la santé internationale et la santé publique tropicale.
Partant du constat que de nombreuses ressources en santé tropicale sont peu accessibles, le GISPE a développé cette plateforme qui permet d’accueillir tous ces documents et de les rendre disponibles aux acteurs de santé travaillant aux Suds ou pour les Suds. Il s’agit notamment de thèses de médecine, de pharmacie ou d’odontostomatologie des universités francophones, ou de travaux de terrain – projets ou mémoires de master universitaire.
Véritable concentrateur de documents, bénéficiant d’un classement par thématique, PORTS dispose d’un puissant moteur de recherche. Le site héberge en particulier les présentations des Actualités du Pharo et les vidéos des conférences. Chaque document mis en ligne est présenté dans une fiche descriptive synthétique.
Pour consulter, inscrivez-vous sur PORTS en vous rendant sur le site https://ports.fr.
Il vous sera demandé de renseigner une fiche d’identification pour recevoir en retour un mot de passe de connexion afin de pouvoir accéder à l’ensemble des documents déjà en ligne.
Pour déposer vos travaux et leur éviter de tomber dans l’oubli, envoyez vos documents par e-mail à l’un des administrateurs : [email protected] – [email protected] – [email protected]
Devoir de mémoire – La station expérimentale de parasitologie dans le domaine de Richelieu

« Le Professeur Emile Brumpt avait cherché longtemps à créer près de Paris une station expérimentale, succursale de son laboratoire de Paris, où ses élèves et lui-même pourraient contribuer à l’inventaire de la faune parasitaire de France, mener des recherches expérimentales, organiser un élevage d’animaux de laboratoire. Ce fut le Recteur Charléty qui lui offrit des bâtiments et des terrains dans le domaine de Richelieu, qui avait été légué par les descendants de la famille du Cardinal à l’Université de Paris. » Henri Galliard, Directeur de la Station expérimentale de parasitologie, Richelieu (Indre-et-Loire).
Sur le conseil avisé du Pr Marc Gentilini (« Un document merveilleux sur un site disparu, d’un monde disparu, aussi d’un temps heureux où les scientifiques français, pauvres en général, étaient respectés, brillants mais modestes et dont l’audience était pourtant souvent internationale. »), le Dr Isabelle Desportes nous transmet un magnifique opuscule rédigé par sa sœur Antoinette Desportes-Davonneau, remémorant les grandes heures de la Station expérimentale de parasitologie du domaine de Richelieu fondé en 1932 et fermé en 1980.
Avec ce bref document, l’auteur a voulu rendre hommage à son père, le Dr Camille Desportes et à tous ces médecins chercheurs français et étrangers, qui ont animé pendant plusieurs décennies la Station expérimentale de parasitologie de Richelieu (Indre-et-Loire). C’était également l’occasion pour l’auteur d’évoquer l’essor de cette branche innovante de la médecine et son rayonnement dans le monde, comme en témoignent les Annales de Parasitologie de 1961 et les photos reflétant la vie quotidienne dans cette station.
Ce document évoque la mémoire d’un grand nombre de nos respectés anciens dont beaucoup furent membres de notre Société.
Jean Jannin, SFMTSI
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Lu pour vous – La France et ses médecins en Extrême-Orient du XVIe au milieu du XXe siècle

Pierre Aubry et Bernard-Alex Gaüzère. L’Harmattan, Paris, 2022, 184 pages
Ce dernier ouvrage d’une série de quatre traite des médecins ayant participé aux expéditions de découverte ainsi que de colonisation de l’Extrême-Orient à partir du XVIe siècle. Les relations historiques avec le Siam, le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Chine, la Corée et le Japon sont brièvement décrites. De nombreux portraits sont présentés : médecins engagés en politique comme P. Bert et J.-M. de Lanessan, médecins explorateurs comme F.-J. Harmand et P. Niés, organisateurs de l’Assistance médicale indochinoise et créateurs d’hôpitaux comme A. Corren et C. Grall, naturalistes comme P. Savatier, découvreurs et inventeurs comme L. Calmette, P.-L. Simond, A Yersin, enseignants comme A. Le Dantec, P.-A. Huard, J.-A. Bussière, écrivains comme V. Segalen. La grande majorité était issue de l’École de Santé navale de Bordeaux. Le texte fait ressortir les enthousiasmes et la volonté qui ont mené ces hommes, pas de femmes à l’époque, découvreurs de pays, de civilisations, de maladies et de réponses à ces maladies.
Pierre Gazin, SFMTSI
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Lire les chroniques des autres ouvrages de la série :
Lu pour vous – La France et ses médecins dans les océans Indien et Pacifique du XVIe au XIXe siècle

Pierre Aubry et Bernard-Alex Gaüzère. L’Harmattan, Paris, 2022, 180 pages
Cet ouvrage, troisième d’une série de quatre, présente les découvertes géographique, naturaliste et médicale de terres de l’océan Indien et de l’océan Pacifique, aventure à laquelle les médecins de la Marine nationale contribuèrent largement, tant dans les expéditions de découverte comme celle de Bougainville que les expéditions de colonisation, parfois violentes. À la convergence de l’histoire coloniale et de l’histoire de la médecine, ce sont les portraits d’hommes qui ont largement contribué au développement des connaissances et à l’installation de services de santé dans les îles de ces océans. Ils ont également lutté contre des épidémies comme le choléra ou des endémies comme les filarioses. Un paragraphe est consacré à une description du béri-béri, de la lèpre, de la syphilis, des dysenteries et de la peste.
Pierre Gazin, SFMTSI
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Lire les chroniques des autres ouvrages de la série :
Une nouvelle option vaccinale, d’origine végétale, contre le charbon humain
Parmi les défis au développement de nouveaux vaccins, la recherche d’une plus grande efficacité doit être concomitante d’une sécurité absolue pour un coût de production maîtrisé. Faire produire un antigène vaccinal par une plante est une voie élégante qui trouve une nouvelle illustration contre le charbon humain endémique également en zone intertropicale.
Le charbon animal, qui touche principalement les ruminants, est endémique dans de nombreux pays tropicaux. Chez les humains, entre 2 000 et 20 000 cas de charbon d’origine naturelle surviennent annuellement dans le monde. Il s’agit le plus souvent de cas sporadiques, mais des épidémies sont régulièrement rapportées [ePillyTrop].
La vaccination est la mesure prophylactique la plus efficace contre les infections à B. anthracis. Historiquement, la recherche s’est principalement focalisée sur la protéine Protective Antigen (PA) identifiée comme cible pour le développement de vaccin. La protéine PA est sécrétée par le bacille au moment de l’infection et constitue l’un des principaux composants des exotoxines (toxine létale et toxine de l’œdème) responsables de la gravité et de la mortalité de la maladie.
La recherche de nouvelles générations de vaccins demeure nécessaire pour améliorer l’efficacité et la sécurité d’emploi des vaccins, mais aussi la rentabilité. Le recours à des plantes modifiées pour produire un antigène semble un système de production prometteur pour la fabrication de vaccins sous-unitaires, en particulier en raison de la sécurité conférée (par exemple, l’absence d’agents pathogènes humains dans la préparation).
Le centre Fraunhofer USA [Chichester et al.] a ainsi développé un système d’expression transitoire de l’antigène vaccinal PA de 83kDa (PA83-FhCMB) au sein d’une variété australienne de tabac (Nicotiana benthamiana). La plante entière était contaminée par une souche d’Agrobacterium tumefaciens, agent désormais classique de génie génétique, abritant un vecteur de lancement hybride. Cette technologie du vecteur de lancement permet d’obtenir des niveaux uniformément élevés d’expression de la protéine cible dans les feuilles de N. benthamiana, protéine constituant l’antigène vaccinal.
Des études précliniques [Chichester et al.] avaient démontré que l’immunisation induite par l’antigène PA83 entraînait de fortes réponses immunitaires capables de neutraliser les toxines du charbon dans des modèles de souris et de lapins. Il a été également démontré une protection complète des lapins contre la forme létale aérosolisée du bacille du charbon.
Au niveau clinique, les résultats publiés en février 2022 [Paolino et al.] d’une première étude monocentrique de phase 1 d’escalade de doses du vaccin PA83-FhCMB sont encourageants. Cette étude, réalisée chez 30 volontaires sains de 18 à 49 ans en simple aveugle, visait à évaluer la sécurité et l’immunogénicité du vaccin à 4 doses croissantes (12,5 ; 25 ; 50 et 100 mg). Les volontaires ont reçu un total de 3 doses de vaccin par injection intramusculaire (une tous les 28 jours). La tolérance a été évaluée aux jours 3, 7 et 14 suivant la vaccination. L’immunogénicité a été évaluée aux jours 0, 14, 28, 56, 84 et 180 par des méthodes permettant de mesurer la concentration d’anticorps IgG anti-PA83 et le taux d’anticorps neutralisant la toxine.
L’innocuité et l’immunogénicité du vaccin ont été démontrées aux 4 doses testées sans apparition d’évènements indésirables graves. La réponse immunitaire au vaccin a été dose-dépendante. Le groupe avec la plus forte dose a présenté la réponse la plus immunogène avec un pic d’anticorps IgG anti-PA83 et d’anticorps neutralisants au jour 84, soit 1 mois après la dernière dose de vaccin.
Les auteurs concluent en validant l’intérêt d’un type de production alternatif d’antigène recombinant d’origine végétale et en projetant la poursuite des étapes de développement clinique du vaccin.
Jean-Paul Boutin, SFMTSI
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Références :
Charbon. In : ePILLY Trop. Maladies infectieuses tropicales. Troisième édition web, juin 2022, chapitre 77, 553-557. Editions Alinéa Plus. Disponible à : https://www.infectiologie.com/fr/pillytrop.html.
Chichester JA, Manceva SD, Rhee A, Coffin MV, Musiychuk K, Mett V, et al. A plant-produced protective antigen vaccine confers protection in rabbits against a lethal aerosolized challenge with Bacillus anthracis Ames spores. Hum Vaccin Immunother. 2013 Mar;9(3):544-52. doi: 10.4161/hv.23233
Paolino KM, Regules JA, Moon JE, Ruck RC, Bennett JW, Yusibov V, et al. Safety and immunogenicity of a plant-derived recombinant protective antigen (rPA)-based vaccine against Bacillus anthracis : A Phase 1 dose-escalation study in healthy adults. Vaccine. 2022 Mar;40(12):1864-1871. doi: 10.1016/j.vaccine.2022.01.047
Anthrax du soudeur, excès de langage ou réelle émergence pour le soudeur en secteur informel ?
Bacillus cereus n’est pas Bacillus anthracis, et pourtant ! B. cereus, connu essentiellement en pathologie digestive, peut exprimer des plasmides de virulence de B. anthracis provoquant dès lors des pneumonies mortelles, décrites pour l’instant dans la métallurgie.
En nosologie francophone le charbon est strictement dû à Bacillus anthracis, appelé en anglais anthrax. Bacillus cereus est pour sa part classiquement incriminé dans des entérocolites aiguës, des diarrhées infectieuses isolées ou dans des TIAC. Il est à ce jour sans spécificité en pathologie tropicale [ePillyTrop].
Le charbon à B. anthracis est connu sous toutes les latitudes comme pouvant être d’origine professionnelle lorsqu’il est transmis au travailleur, le plus souvent par voie cutanée, au niveau d’une excoriation, par contact avec un animal malade ou sa dépouille (charbon industriel des équarisseurs, vétérinaires, éleveurs) et plus rarement par voie pulmonaire par inhalation de spores dans l’industrie des laines, poils, cuirs, peaux, poudres d’os [ePillyTrop].
Une contamination professionnelle à B. cereus, mimant un charbon pulmonaire, est nouvellement décrite aux États-Unis où le nom de welder anthrax lui a été attribué, ce qui pourrait être rapidement traduit par charbon du soudeur. Qu’il s’agisse ou non d’un excès de langage il n’en reste pas moins intéressant d’en prendre connaissance, d’une part car elle décrit une nouvelle expression clinique chez le sujet immunocompétent et un nouveau facteur prédisposant à la pathogénicité de B. cereus, mais aussi car elle implique une profession, ou une activité, très fréquente dans les pays en développement où la médecine du travail peine à se développer en particulier dans le secteur informel.
Le 21 avril 2021, l’US CDC a émis un billet à propos d’une maladie nouvellement identifiée, le welder anthrax [https://blogs.cdc.gov/niosh-science-blog/2022/04/21/welders-anthrax/] ultérieurement publié [De Perio MA].
Entre 1994 et 2020, 7 cas de pneumonies sévères causées par des bactéries appartenant au groupe Bacillus cereus mais exprimant un plasmide similaire au B. anthracis pXO1 qui code les toxines du charbon, ont été diagnostiqués et notifiés aux CDC, la maladie étant rapportée chez des professionnels travaillant le métal (six soudeurs et un métallurgiste). Le tableau clinique faisait état de fièvre, frissons, dyspnée et d’hémoptysie. Une pneumonie a été diagnostiquée pour l’ensemble des patients. Après hospitalisation et passage en soins intensifs, 5 des 7 patients sont décédés. Tous les patients avaient reçu un traitement antibiotique à large spectre. L’un des survivants a reçu du raxibacumab, une antitoxine monoclonale. Six patients étaient des hommes, l’âge médian étant de 39 ans.
Le bacillus isolé chez un des sept cas déclarés a été retrouvé sur son lieu de travail. On sait que les fumées de soudage peuvent être à l’origine d’intoxications entraînant la survenue de pathologies aiguës ou chroniques [INRS]. La gravité de ces intoxications est fonction des métaux concernés, de la durée, de l’intensité de l’exposition et de la composition de ces fumées. Plusieurs études ont montré un risque accru de pneumonie et de décès chez les soudeurs et autres travailleurs exposés aux fumées de soudage et aux poussières minérales [Torén K et al.]. Des études suggèrent que l’exposition aux fumées de soudage entraîne une plus grande susceptibilité aux infections pulmonaires, même lorsqu’il s’agit d’agents infectieux relativement communs et inoffensifs [Palmer KT et al]. En particulier, l’oxyde de fer déposé dans les poumons après inhalation de fumées y reste présent des années, même à distance de l’exposition [Kalliomäki PL et al.].
Comme tous les agents pathogènes, les toxines de B. anthracis et de B. cereus ont besoin de fer pour se développer. Ils sont deux producteurs de sidérophores pétrobactine et bacillibactine. À l’inverse, ils ne partagent pas les mêmes protéines de surface impliquées dans l’absorption du fer, d’une part, iron-regulated leucine-rich surface protein (IlsA) pour B. cereus et, d’autre part, iron-regulated surface determinant (Isd) pour B. anthracis [Daou N et al., Honsa ES et al.].
À ce stade, d’autres études sont nécessaires pour affirmer le lien entre fumées de soudage et pneumonie mortelle à B. cereus, mais le pneumologue, l’infectiologue, l’interniste ou le généraliste exerçant en milieu tropical devra probablement prendre en compte ce facteur favorisant dans la construction de son diagnostic positif tandis que la médecine du travail voit s’ouvrir un nouveau champ de risque professionnel à évaluer dans des régions où les ateliers informels de métallurgie de second œuvre sont légions.
Jean-Paul Boutin, SFMTSI
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Références :
Charbon. In : ePILLY Trop. Maladies infectieuses tropicales. Troisième édition web, juin 2022, chapitre 77, 553-557. Editions Alinéa Plus. Disponible à : https://www.infectiologie.com/fr/pillytrop.html.
De Perio MA, Hendricks KA, Dowell CH, Bower WA, Burton NC, Dawson P, et al. Welder’s Anthrax : A Review of an Occupational Disease. Pathogens. 2022 Mar;11(4):402. doi: 10.3390/pathogens11040402
INRS. Fumées de soudage – Un risque majeur. In : INRS [Internet]. [cité le 2022 Jun 24]. Disponible à : https://www.inrs.fr/risques/fumees-soudage/ce-qu-il-faut-retenir.html
Torén K, Blanc PD, Naidoo RN, Murgia N, Qvarfordt I, Aspevall O, et al. Occupational exposure to dust and to fumes, work as a welder and invasive pneumococcal disease risk. Occup Environ Med. 2020 Feb;77(2):57-63. doi: 10.1136/oemed-2019-106175
Palmer KT, Poole J, Ayres JG, Mann J, Burge PS, Coggon D. Exposure to metal fume and infectious pneumonia. Am J Epidemiol. 2003 Feb;157(3):227-33. doi: 10.1093/aje/kwf188
Kalliomäki PL, Kalliomäki K, Rahkonen E, Aittoniemi K. Follow-up study on the lung retention of welding fumes among shipyard welders. Ann Occup Hyg. 1983;27(4):449-52. doi: 10.1093/annhyg/27.4.449
Daou N, Buisson C, Gohar M, Vidic J, Bierne H, Kallassy M, et al. IlsA, a unique surface protein of Bacillus cereus required for iron acquisition from heme, hemoglobin and ferritin. PLoS Pathog. 2009 Nov;5(11):e1000675. doi: 10.1371/journal.ppat.1000675
Honsa ES, Maresso AW. Mechanisms of iron import in anthrax. Biometals. 2011 Jun;24(3):533-45. doi: 10.1007/s10534-011-9413-x
Articles sur le Monkeypox publiés dans le Bulletin de la SPE

La lutte contre le tagabisme en Afrique
Le Centre africain de lutte contre le tabagisme a réuni la première conférence sur le tabagisme en Afrique. Questions au Dr Modou Njai, membre de son Conseil d’Administration.