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Infos & idées 2.02021-05-25T15:06:13+01:00

Infos & idées

Positionnement de la SFMTSI concernant la suppression de l’aide médicale de l’État

L’aide médicale de l’État (AME) est une aide sociale permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une prise en charge de leurs soins. Elle a été mise en place en 2000 pour pallier l’exclusion des travailleurs sans papiers ne pouvant bénéficier d’une couverture sociale de droit commun par l’assurance maladie et en remplacement de l’aide médicale d’urgence préexistante. Un amendement proposant la suppression de l’aide médicale de l’État, au profit d’une aide ne couvrant uniquement que « les soins urgents », a été voté au sénat le 15 Mars 2023. Cet amendement contraire aux principes des droits humains garantissant un droit à la santé pour tous sur le territoire français et européen, est un non-sens d’un point de vue économique, les prises en charge tardives hospitalières des pathologies étant particulièrement coûteuses, et va limiter l’accès aux soins d’une population déjà fragilisée [1-4]. De plus, toutes les études démographiques démontrent que la migration pour raison de santé est minoritaire parmi les motifs de départ des pays d’origine, que notre système de protection social est globalement méconnu des migrants, et que sa restriction n’aura aucun effet sur les flux migratoires.

Cet amendement, s’il était voté à l’assemblée nationale, limiterait l’accès aux soins primaires, à la prévention, et la prise en charge des pathologies chroniques de la population visée, impactant sa santé et sa qualité de vie. Positionnement de la Société de Pathologie Infectieuses (SPILF), de la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF), de la Société Française de Santé Publique (SFSP), de la Société Française de Pédiatrie (SFP) et de Société Française de Médecine d’urgence (SFMU) concernant la suppression de l’aide médicale de l’État Au-delà des conséquences en termes de santé, loin de limiter les dépenses, cet amendement sera coûteux, entrainera par ricochet une surcharge non supportable des Permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et des Services d’accueil et d’urgences (SAU) déjà saturés, une sur-sollicitation des ressources spécialisées (soins spécialisés, hospitalisations et recours aux soins critiques) et une augmentation des durées d’hospitalisations du fait de l’impossibilité de transférer des malades en soins de suite et de réadaptation [1-6]. Le système de santé, exténué après la crise du Covid-19, n’aura pas la capacité d’endosser les conséquences d’une politique contraire à la santé publique.

De plus, le coût des soins couverts par l’aide médicale de l’État et du dispositif des soins urgents et vitaux, bien que significatif, ne représente que 0,4% des dépenses de l’Assurance maladie en France au bénéfice d’une population surexposée aux maladies infectieuses transmissibles [7], aux maladies chroniques non transmissibles et à la souffrance psychique notamment en lien avec leurs conditions de migration et de vie [8-9]. Les travaux des économistes de la santé ne concluent pas à une surconsommation de soins inutiles par ces bénéficiaires et font, à l’inverse, le constat d’un non-recours à ce droit important (49% selon l’enquête Premiers pas, y compris pour les personnes atteintes de maladies chroniques) [10].

Nous rappelons que selon l’OMS « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain quelle que soit sa condition […] économique et sociétale » [8], affirmons que, si problème il y a, la solution ne peut être de restreindre l’accès aux soins, et appelons solennellement les députés et les sénateurs à ne pas supprimer l’aide médicale de l’État, à revenir sur les restrictions qui lui ont été adjointes (délais de carence) et à en assurer un accès effectif.

  1. Ganapathi et al. N Engl J Med 2019
  2. Prats-Uribe et al. Eur J Public Health 2020
  3. Guillon et al. EurJ Health Economics 2018
  4. Kraft et al. J Pédiatr 2009
  5. Allegri C et al. EClinicalMedicine 2022
  6. Cervantes et al. JAMA Intern Med 2018
  7. Vignier et al. Front Public Health. 2022
  8. Keith et al. BMJ 2015
  9. https://www.irdes.fr/recherche/2022/qes-266-une-personne-sans-titre-de-sejour-sur-sixsouffre- de-troubles-de-stress-post-traumatique-en-france.html
  10. https://www.irdes.fr/recherche/2019/questions-d-economie-de-la-sante.html#n245EN
  11. Coristsidis et al. Am J Kidney Dis 2004
  12. Nandi et al. J Immigr Minor Health 2009
  13. https://apps.who.int/mediacentre/news/statements/fundamental-humanright/ fr/index.html (accédé le 23 Mars 2023)

Ce positionnement a été co-signé par :

Le Collège des Enseignants de Médecine Intensive et Réanimation (CeMIR)

Le Collège de Réanimation des hôpitaux Extra-Universitaires de France (CREUF)

L’Association nationale des Jeunes Médecins Intensivistes Réanimateurs (ANJMIR)

Le Groupement Francophone de Réanimation et des Urgences Pédiatriques (GFRUP )

Le Syndicat des Médecins Réanimateurs (SMR)

Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)

La Société Française de Médecine Périnatale (SFMP)

La Société Française de néonatalogie (SFN)

Hommage au docteur Yves PIRAME

Le docteur Yves PIRAME est né le 11 mars 1929 à Tananarive. Après des études secondaires au lycée Faidherbe de Saint-Louis du Sénégal, il est admis en 1948 à l’école du Service de santé militaire de Lyon.

Il est détaché au Val-de-Grâce en 1950, licencié en psychologie en Sorbonne en 1953 et Docteur en médecine de la Faculté de Paris le 11 juillet 1954.

Nommé à cette date médecin-lieutenant des Troupes coloniales, il rejoint l’École d’application du Pharo le 1er janvier 1955 et se revendique dès lors fièrement comme l’élève de Guy Charmot.

D’octobre 1955 à octobre 1975, il sert outre-mer, hors cadres des armées. D’abord en brousse au Tchad où il précise l’importance alors méconnue de la leishmaniose cutanée qu’il rapporte lors de la séance du 16 avril 1958 de la Société de pathologie exotique. Puis à Ouagadougou, où il étudie l’intérêt d’une injection intramusculaire unique de sulfamethoxypyridazine dans le traitement de la méningite cérébro-spinale à méningocoque mais aussi l’épidémiologie de la méningite à pneumocoques. De ce séjour, il livre une réflexion importante sur l’ariboflavinose chez l’enfant africain et les résultats de la supplémentation alimentaire en riboflavine ou par le moyen du lait écrémé, ainsi que la description d’une série historique de plus de 200 cas de tétanos.

En Nouvelle-Calédonie, il décrit l’angiostrongylose du système nerveux.

Après avoir été reçu successivement aux concours de l’assistanat (1958) et du médicat des hôpitaux (1963), il sert encore dans les hôpitaux de Yaoundé puis de Saïgon.

Ayant été l’un des derniers médecins français en poste à Saïgon en 1975, il est admis à la retraite au grade de médecin-en-chef (colonel) le 2 novembre 1976, après 28 ans de service.

De 1977 à 1994, il dirige à Paris le Centre médical des entreprises travaillant à l’extérieur, qui assure le suivi des expatriés et de leur famille dans le monde entier.

La qualité des services rendus lui vaut d’être nommé dans l’Ordre national de la République de Haute-Volta, l’Ordre national du Mérite et la Légion d’honneur.

En 1990, il est à l’origine de la création de l’Association des anciens et amis de l’Hôpital Grall (Saïgon – Hô Chi Minh-Ville) dont il est le premier président, laquelle contribue dans le cadre de la francophonie, au maintien et au développement des échanges culturels et techniques, par des activités de recherche, d’évaluation scientifique ou de formation médicale.

Il a été conseiller municipal de Moissac (Tarn-et-Garonne) de 1999 à 2001. Il décède à Moissac le 30 avril 2023.

Jacques CHANDENIER, SFMTSI

Publications dans le Bulletin de la SPE référencées sur PubMed

La maladie de Chagas peut aussi être à l’origine d’une toxi-infection alimentaire collective

Une nouvelle toxi-infection alimentaire collective (TIAC) due à Trypanosoma cruzi, l’agent de la maladie de Chagas, a été rapportée au premier semestre 2023 dans la région de Bahia au Brésil [4] avec 5 cas confirmés, dont un fatal. Retour sur « la voie de transmission négligée d’une maladie tropicale négligée » [5].

Pour rappel, Trypanosoma cruzi est principalement transmis à l’homme et à plus de 180 espèces animales (chiens, chats, rongeurs, etc.) par une punaise hématophage, le triatome [6]. Ce parasitese transmet principalement lors de contacts avec les excreta de triatomes infectés, lesquels piquent souvent une zone cutanée exposée comme le visage, se nourrissent et défèquent à proximité. Si la personne piquée se frotte, les parasites pénètrent dans l’organisme en passant par la lésion cutanée créée par la piqûre, une autre lésion cutanée, les muqueuses des yeux ou de la bouche.

Mais il existe d’autres modes de transmission de T. cruzi, parmi lesquels : la transmission de la mère à l’enfant durant la grossesse ou lors de l’accouchement ; la transfusion de sang ou de produits sanguins provenant de donneurs infectés ; la transplantation de certains organes provenant de donneurs infectés ; les accidents de laboratoire ; et donc la consommation d’aliments ou de boissons contaminés par T. cruzi, par exemple du fait de la pollution de ceux-ci avec des excreta de triatomes infectés. Ce dernier type de transmission tend à provoquer des flambées épidémiques qui se caractérisent par des formes plus graves et une mortalité plus importante [5].

Le profil épidémiologique de la maladie a donc changé ces dernières années, évoluant vers un mode endémo-épidémique, du fait de nombreuses épidémies d’origine alimentaire.

Selon la Société brésilienne de cardiologie [4], les cas de transmission orale de la maladie de Chagas représentent actuellement environ 70 % de tous les cas connus de la maladie au Brésil. Parmi les principaux aliments à l’origine des infections, les jus d’açaï (Euterpe oleracea) et de canne à sucre (vesou ou garapa en portugais) sont très majoritaires.

Si le jus d’açaï industrialisé ne présente pas de risque, car il est chauffé à 80 °C, refroidi et lavé, l’ingestion de cette boisson préparée à la maison ou de façon artisanale non contrôlée peut être dangereuse. Le problème survient lorsque l’insecte et ses excréments sont broyés avec la canne à sucre. En effet, la punaise s’installe entre la tige et les feuilles de la canne à sucre, entraînant la contamination de l’aliment lors du broyage. Le principal moyen de prévenir la transmission orale de la maladie est donc de traiter ces aliments.

La maladie de Chagas touche principalement des zones rurales continentales de l’Amérique latine sans atteindre la Caraïbe (Figure). Sous l’effet du développement de la mobilité humaine au cours des dernières décennies, la plupart des personnes infectées vivent aujourd’hui dans des zones urbaines, et l’infection est par ailleurs de plus en plus détectée aux États-Unis, au Canada, en Europe, ainsi que dans certains pays d’Afrique, de la Méditerranée orientale et du Pacifique occidental [3]. Il s’agit d’une maladie émergente potentielle dans le sud des États-Unis où le vecteur est présent [2].

Outre les règles de prévention classique de la maladie de Chagas – insecticides, moustiquaire, contrôle transfusionnel, prévention de la transmission congénitale, prise en charge des patients – il convient donc désormais d’éviter de consommer des jus ou des boissons « à risque » [1].

Jean-Paul BOUTIN, SFMTSI

Les articles signés n’engagent pas la responsabilité de la SFMTSI

Références

1. Franco-Paredes C, Villamil-Gómez WE, Schultz J, Henao-Martínez AF, Parra-Henao G, Rassi A Jr, Rodríguez-Morales AJ, Suarez JA. A deadly feast: Elucidating the burden of orally acquired acute Chagas disease in Latin America – Public health and travel medicine importance. Travel Med Infect Dis. 2020 Jul-Aug;36:101565. doi: 10.1016/j.tmaid.2020.101565.

2. Guarner J. Chagas disease as example of a reemerging parasite. Semin Diagn Pathol. 2019 May;36(3):164-169. doi: 10.1053/j.semdp.2019.04.008.

3. OMS. Maladie de Chagas (ou trypanosomiase américaine). Organisation mondiale de la Santé. www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/chagas-disease-(american-trypanosomiasis). Consulté le 8 août 2023.

4. Portal da Doença de Chagas. Outbreak in Bahia is alert for transmission of Chagas disease by food. https://chagas.fiocruz.br/en/blog_en/outbreak-in-bahia-is-alert-for-transmission-of-chagas-disease-by-food/. Consulté le 8 août 2023.

5. Robertson LJ, Devleesschauwer B, Alarcón de Noya B, Noya González O, Torgerson PR. Trypanosoma cruzi: Time for international recognition as a foodborne parasite. PLoS Negl Trop Dis. 2016 Jun 2;10(6):e0004656. doi: 10.1371/journal.pntd.0004656.

6. Velásquez-Ortiz N, Ramírez JD. Understanding the oral transmission of Trypanosoma cruzi as a veterinary and medical foodborne zoonosis. Res Vet Sci. 2020 Oct;132:448-461. doi: 10.1016/j.rvsc.2020.07.024.

1. Portal da Doença de Chagas. Outbreak in Bahia is alert for transmission of Chagas disease by food.  https://chagas.fiocruz.br/en/blog_en/outbreak-in-bahia-is-alert-for-transmission-of-chagas-disease-by-food/. Consulté le 8 août 2023.

2. Robertson LJ, Devleesschauwer B, Alarcón de Noya B, Noya González O, Torgerson PR. Trypanosoma cruzi: Time for International Recognition as a Foodborne Parasite. PLoS Negl Trop Dis. 2016 Jun 2;10(6):e0004656. doi: 10.1371/journal.pntd.0004656.

3. Velásquez-Ortiz N, Ramírez JD. Understanding the oral transmission of Trypanosoma cruzi as a veterinary and medical foodborne zoonosis. Res Vet Sci. 2020 Oct;132:448-461. doi: 10.1016/j.rvsc.2020.07.024.

4. OMS. Maladie de Chagas (ou trypanosomiase américaine). Organisation mondiale de la Santé. www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/chagas-disease-(american-trypanosomiasis). Consulté le 8 août 2023.

5. Guarner J. Chagas disease as example of a reemerging parasite. Semin Diagn Pathol. 2019 May;36(3):164-169. doi: 10.1053/j.semdp.2019.04.008.

6.  Franco-Paredes C, Villamil-Gómez WE, Schultz J, Henao-Martínez AF, Parra-Henao G, Rassi A Jr, Rodríguez-Morales AJ, Suarez JA. A deadly feast: Elucidating the burden of orally acquired acute Chagas disease in Latin America – Public health and travel medicine importance. Travel Med Infect Dis. 2020 Jul-Aug;36:101565. doi: 10.1016/j.tmaid.2020.101565.

Les 10 années de la chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) en 10 points essentiels

Médard DJEDANEM* (1), Ronan JAMBOU (1,2)

1. Centre d’étude et de recherche médicale et sanitaire (CERMES), BP 10887 Niamey, Niger

2. Département Santé globale, Institut Pasteur, 75015 Paris, France

* [email protected]

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ÉDITORIAL

La chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) est recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) depuis 2012, dans les zones où le paludisme sévit de façon endémique mais saisonnière.

1. Qu’est-ce que la CPS ?

Elle consiste à administrer un traitement antipaludique systématique complet (sur trois jours) aux enfants non malades à base de Sulfadoxine-Pyriméthamine+Amodiaquine (SPAQ). Le traitement est renouvelé chaque mois pendant trois à cinq mois au cours de la saison des pluies. Elle concerne les enfants de 3 à 59 mois. Ce traitement reste actif environ 28 jours après son administration.

2. Quels pays l’utilisent ?

Treize pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Tchad, Togo) l’appliquent à l’échelle nationale ou régionale.

3. La CPS est-elle efficace ?

Il est difficile d’établir des données sur l’efficacité de la CPS elle-même, car elle est toujours associée à d’autres stratégies de lutte. Plusieurs pays africains avancent des chiffres entre 55 et 73 % de réduction de l’incidence du paludisme simple chez les enfants de moins de 5 ans, une réduction de 26 % de l’incidence du paludisme grave et de 42 à 48 % de la mortalité due au paludisme. Mais attribuer ces succès à la CPS reste difficile.

4. Quelle est la couverture globale réelle des enfants cibles en Afrique ?

Le taux de couverture de la CPS est également difficile à appréhender, avant tout pour des problèmes de recensement des populations cibles. La deuxième difficulté repose sur l’inobservance des 2e et 3e doses prises à domicile. Enfin, il est également difficile de revoir trois à cinq fois le même enfant sur une saison de transmission. Au Niger en 2021 le taux de couverture était estimé à 99,94 %, variant de 92,35 % à Maradi, à 108,38 % à Niamey. De même le Sénégal déclarait 90 % de couverture et la Gambie 74 % la même année. Ces taux supérieurs à 100 % illustrent bien les problèmes d’estimation des populations cibles.

5. La CPS est-elle bien acceptée ?

La CPS est largement acceptée par les familles dans la plupart des pays africains. Néanmoins des effets indésirables sont rapportés comme les vomissements, la diarrhée, et des éruptions en lien le plus souvent avec l’amodiaquine. Cependant c’est la compliance réelle au traitement complet de trois jours qui pose un problème, car les parents préfèrent garder les 2e et 3e doses en réserve en cas d’accès fébrile.

6. Quel coût pour cette stratégie ?

Le coût global de la CPS est évalué par l’OMS à environ 3,6 dollars par enfant et par an dans différents pays africains. Mais il est probable que ce coût soit sous-estimé. L’essentiel du coût réside dans la logistique à mettre en place pour accéder aux enfants (les équipes faisant des passages à domicile). Au Niger où les populations se dispersent sur de vastes territoires sahéliens, le coût de la CPS est estimé à 40 millions d’USD chaque année.

7. Quelles sont les difficultés actuelles ?

Les obstacles majeurs à l’application de la CPS sont : i) sa logistique complexe pour atteindre les communautés, surtout lorsque l’insécurité et les difficultés d’accessibilité sont nombreuses ; ii) les difficultés à retrouver trois à cinq fois le même enfant sur la saison pour le traiter ; iii) les difficultés à établir des recensements permettant une programmation logistique efficace et une évaluation de l’efficacité réaliste.

8. Comment améliorer l’efficacité de la CPS ?

  • Le coût de la CPS reste un problème pour une prise en charge sur le long terme. Réduire les coûts passe par une mutualisation des campagnes de prise en charge communautaires avec d’autres programmes comme la détection de la malnutrition et de la tuberculose. Ce qui se met en place dans des pays comme le Niger.
  • Adapter la CPS aux classes d’âge : actuellement la CPS n’est déployée que chez les enfants de moins de 5 ans. Cependant, dans les zones de transmission hypo- ou méso-endémique on constate une augmentation significative des cas de paludisme chez les enfants de plus de 5 ans moins bien protégés. La CPS devrait donc être étendue jusqu’à l’âge de 10 ans selon le contexte épidémiologique local.
  • Inclure les zones sahélo-sahariennes : la CPS ne concerne actuellement que les zones de pluviométrie supérieure à 600 mm d’eau, alors que le paludisme très saisonnier serait sans doute le plus impacté par une stratégie de traitement systématique des enfants.

9. La chimiorésistance va-t-elle compromettre l’efficacité de la CPS ?

La CPS s’inspire des anciennes stratégies de quininisation, puis de nivaquinisation qui ont été mises en péril par l’apparition des chimiorésistances. La résistance à la SP progresse partout en Afrique, comme le montre le pourcentage des souches triples à quintuples mutantes pour la dihydropteroate synthetase (DHPS)/dihydrofolate reductase (DHFR) (actuellement de l’ordre de 15 à 20 % dans toutes les études). L’adjonction d’une molécule partenaire préserve encore l’efficacité de la combinaison, mais il serait bon de repenser dès maintenant cette stratégie qui est aussi utilisée en traitement préventif chez la femme enceinte. D’autant qu’il n’est pas envisageable d’utiliser les dérivés de l’artémisinine réservés au traitement des malades. 

10. Les changements environnementaux et climatiques vont-ils compromettre la CPS ?

En Afrique et particulièrement au Sahel, l’urbanisation et les changements climatiques modifient rapidement les écosystèmes. Le paludisme sévit maintenant tard dans la saison sèche (jusqu’à février-mars au Niger) et des cycles de traitement devraient être envisagés pendant la saison sèche. Ces changements de biotopes sont également associés à des modifications des espèces vectrices avec un retour rapide d’Anopheles funestus dans le Sahel, mais surtout avec l’invasion de l’Afrique de l’Ouest et centrale par An. stephensis. Ce vecteur des mégapoles indiennes compromet l’avenir de toutes les stratégies de lutte contre le paludisme en Afrique, où 60 % de la population sera urbaine en 2050.

En conclusion

Après 10 ans, la CPS a montré son intérêt comme moyen de lutter dans le cadre d’une stratégie intégrée de contrôle du paludisme. Cependant de grands dangers pèsent sur son avenir, et son application devrait dès maintenant être adaptée aux changements de biotope que subit l’Afrique.

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Le Geneva Health Forum : une plateforme pour rendre visible les expériences de terrain

Le Geneva Health Forum (GHF) est organisé par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève en partenariat avec 26 organisations de santé globale. Le GHF pense que seule une approche multidisciplinaire impliquant un large éventail d’acteurs permettra d’apporter des solutions innovantes à la complexité des défis auxquels nous sommes confrontés. S’appuyant sur la dynamique de la Genève internationale, le Geneva Health Forum a organisé, depuis 2006, 9 éditions d’une importante conférence de santé globale qui s’est tenue tous les 2 ans.

À proximité immédiate du siège de l’OMS et de l’Assemblée mondiale de la Santé qui se déroule chaque année en mai et de plus de 250 organisations qui ont installé leur siège à Genève, le GHF crée ainsi un espace de dialogue et souhaite faire entendre la voix des scientifiques et des acteurs de terrain. Ce dialogue de la société civile est essentiel pour nourrir les réflexions des débats politiques.

Pour remplir cette mission, le GHF se fixe pour objectifs de :

  • donner plus de visibilité aux acteurs innovants de la santé globale et en particulier les acteurs de terrain ;
  • faciliter le travail en réseau, l’échange d’expériences et la collaboration ;
  • développer des solutions et lancer des initiatives.

Le GHF concentre ses efforts en particulier sur les domaines suivants :

  • la santé environnementale, santé planétaire, One Health ;
  • la santé comme bien commun ;
  • la santé digitale ;
  • la santé globale dans les contextes fragiles (humanitaires, développement).

À partir de 2023, pour mieux répondre aux demandes qui lui sont faites, le GHF va développer des activités régulières, tout au long de l’année, sous forme de panels de discussion, de tables rondes ou de groupes de travail.

La conférence du GHF invitera la communauté scientifique et les acteurs de terrain à venir faire entendre leur voix lors de l’Assemblée mondiale de la santé. Elle deviendra annuelle et se déroulera lors de la semaine de l’Assemblée mondiale de la santé afin d’en nourrir les débats avec les expériences de terrain.

La SFMTSI a initié un dialogue avec le GHF afin de développer des activités communes dans le cadre de la francophonie.

Eric Comte

[email protected]

https://genevahealthforum.com

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PORTS, la Plateforme Ouverte en Ressources Tropicales de Santé

Une plateforme de partage de documents centrés sur la santé tropicale vient d’être créée par le GISPE, ouverte à tous. Il suffit de s’inscrire…

Avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), le GISPE (Groupe d’intervention en santé publique et épidémiologie) a créé PORTS, une plateforme de partage de documents centrés sur la santé tropicale.

Cette plateforme gratuite, ouverte sur inscription, permet d’accéder à des documents, des articles scientifiques, des rapports, des vidéos, des photographies en lien avec la santé internationale et la santé publique tropicale.

Partant du constat que de nombreuses ressources en santé tropicale sont peu accessibles, le GISPE a développé cette plateforme qui permet d’accueillir tous ces documents et de les rendre disponibles aux acteurs de santé travaillant aux Suds ou pour les Suds. Il s’agit notamment de thèses de médecine, de pharmacie ou d’odontostomatologie des universités francophones, ou de travaux de terrain – projets ou mémoires de master universitaire.

Véritable concentrateur de documents, bénéficiant d’un classement par thématique, PORTS dispose d’un puissant moteur de recherche. Le site héberge en particulier les présentations des Actualités du Pharo et les vidéos des conférences. Chaque document mis en ligne est présenté dans une fiche descriptive synthétique.

Pour consulter, inscrivez-vous sur PORTS en vous rendant sur le site https://ports.fr.

Il vous sera demandé de renseigner une fiche d’identification pour recevoir en retour un mot de passe de connexion afin de pouvoir accéder à l’ensemble des documents déjà en ligne.

Pour déposer vos travaux et leur éviter de tomber dans l’oubli, envoyez vos documents par e-mail à l’un des administrateurs : [email protected] – [email protected] – [email protected]

Devoir de mémoire – La station expérimentale de parasitologie dans le domaine de Richelieu

« Le Professeur Emile Brumpt avait cherché longtemps à créer près de Paris une station expérimentale, succursale de son laboratoire de Paris, où ses élèves et lui-même pourraient contribuer à l’inventaire de la faune parasitaire de France, mener des recherches expérimentales, organiser un élevage d’animaux de laboratoire. Ce fut le Recteur Charléty qui lui offrit des bâtiments et des terrains dans le domaine de Richelieu, qui avait été légué par les descendants de la famille du Cardinal à l’Université de Paris. » Henri Galliard, Directeur de la Station expérimentale de parasitologie, Richelieu (Indre-et-Loire).

Sur le conseil avisé du Pr Marc Gentilini (« Un document merveilleux sur un site disparu, d’un monde disparu, aussi d’un temps heureux où les scientifiques français, pauvres en général, étaient respectés, brillants mais modestes et dont l’audience était pourtant souvent internationale. »), le Dr Isabelle Desportes nous transmet un magnifique opuscule rédigé par sa sœur Antoinette Desportes-Davonneau, remémorant les grandes heures de la Station expérimentale de parasitologie du domaine de Richelieu fondé en 1932 et fermé en 1980.

Avec ce bref document, l’auteur a voulu rendre hommage à son père, le Dr Camille Desportes et à tous ces médecins chercheurs français et étrangers, qui ont animé pendant plusieurs décennies la Station expérimentale de parasitologie de Richelieu (Indre-et-Loire). C’était également l’occasion pour l’auteur d’évoquer l’essor de cette branche innovante de la médecine et son rayonnement dans le monde, comme en témoignent les Annales de Parasitologie de 1961 et les photos reflétant la vie quotidienne dans cette station.

Ce document évoque la mémoire d’un grand nombre de nos respectés anciens dont beaucoup furent membres de notre Société.

Lire l’ouvrage

Jean Jannin, SFMTSI

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Lu pour vous – La France et ses médecins en Extrême-Orient du XVIe au milieu du XXe siècle

Pierre Aubry et Bernard-Alex Gaüzère. L’Harmattan, Paris, 2022, 184 pages

Ce dernier ouvrage d’une série de quatre traite des médecins ayant participé aux expéditions de découverte ainsi que de colonisation de l’Extrême-Orient à partir du XVIe siècle. Les relations historiques avec le Siam, le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Chine, la Corée et le Japon sont brièvement décrites. De nombreux portraits sont présentés : médecins engagés en politique comme P. Bert et J.-M. de Lanessan, médecins explorateurs comme F.-J. Harmand et P. Niés, organisateurs de l’Assistance médicale indochinoise et créateurs d’hôpitaux comme A. Corren et C. Grall, naturalistes comme P. Savatier, découvreurs et inventeurs comme L. Calmette, P.-L. Simond, A Yersin, enseignants comme A. Le Dantec, P.-A. Huard, J.-A. Bussière, écrivains comme V. Segalen. La grande majorité était issue de l’École de Santé navale de Bordeaux. Le texte fait ressortir les enthousiasmes et la volonté qui ont mené ces hommes, pas de femmes à l’époque, découvreurs de pays, de civilisations, de maladies et de réponses à ces maladies.

Pierre Gazin, SFMTSI

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Pour commander l’ouvrage

Lire les chroniques des autres ouvrages de la série :

Lu pour vous – La France et ses médecins dans les océans Indien et Pacifique du XVIe au XIXe siècle

Pierre Aubry et Bernard-Alex Gaüzère. L’Harmattan, Paris, 2022, 180 pages

Cet ouvrage, troisième d’une série de quatre, présente les découvertes géographique, naturaliste et médicale de terres de l’océan Indien et de l’océan Pacifique, aventure à laquelle les médecins de la Marine nationale contribuèrent largement, tant dans les expéditions de découverte comme celle de Bougainville que les expéditions de colonisation, parfois violentes. À la convergence de l’histoire coloniale et de l’histoire de la médecine, ce sont les portraits d’hommes qui ont largement contribué au développement des connaissances et à l’installation de services de santé dans les îles de ces océans. Ils ont également lutté contre des épidémies comme le choléra ou des endémies comme les filarioses. Un paragraphe est consacré à une description du béri-béri, de la lèpre, de la syphilis, des dysenteries et de la peste.

Pierre Gazin, SFMTSI

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Une nouvelle option vaccinale, d’origine végétale, contre le charbon humain

Parmi les défis au développement de nouveaux vaccins, la recherche d’une plus grande efficacité doit être concomitante d’une sécurité absolue pour un coût de production maîtrisé. Faire produire un antigène vaccinal par une plante est une voie élégante qui trouve une nouvelle illustration contre le charbon humain endémique également en zone intertropicale.

Le charbon animal, qui touche principalement les ruminants, est endémique dans de nombreux pays tropicaux. Chez les humains, entre 2 000 et 20 000 cas de charbon d’origine naturelle surviennent annuellement dans le monde. Il s’agit le plus souvent de cas sporadiques, mais des épidémies sont régulièrement rapportées [ePillyTrop].

La vaccination est la mesure prophylactique la plus efficace contre les infections à B. anthracis. Historiquement, la recherche s’est principalement focalisée sur la protéine Protective Antigen (PA) identifiée comme cible pour le développement de vaccin. La protéine PA est sécrétée par le bacille au moment de l’infection et constitue l’un des principaux composants des exotoxines (toxine létale et toxine de l’œdème) responsables de la gravité et de la mortalité de la maladie.

La recherche de nouvelles générations de vaccins demeure nécessaire pour améliorer l’efficacité et la sécurité d’emploi des vaccins, mais aussi la rentabilité. Le recours à des plantes modifiées pour produire un antigène semble un système de production prometteur pour la fabrication de vaccins sous-unitaires, en particulier en raison de la sécurité conférée (par exemple, l’absence d’agents pathogènes humains dans la préparation).

Le centre Fraunhofer USA [Chichester et al.] a ainsi développé un système d’expression transitoire de l’antigène vaccinal PA de 83kDa (PA83-FhCMB) au sein d’une variété australienne de tabac (Nicotiana benthamiana). La plante entière était contaminée par une souche d’Agrobacterium tumefaciens, agent désormais classique de génie génétique, abritant un vecteur de lancement hybride. Cette technologie du vecteur de lancement permet d’obtenir des niveaux uniformément élevés d’expression de la protéine cible dans les feuilles de N. benthamiana, protéine constituant l’antigène vaccinal.

Des études précliniques [Chichester et al.] avaient démontré que l’immunisation induite par l’antigène PA83 entraînait de fortes réponses immunitaires capables de neutraliser les toxines du charbon dans des modèles de souris et de lapins. Il a été également démontré une protection complète des lapins contre la forme létale aérosolisée du bacille du charbon.

Au niveau clinique, les résultats publiés en février 2022 [Paolino et al.] d’une première étude monocentrique de phase 1 d’escalade de doses du vaccin PA83-FhCMB sont encourageants. Cette étude, réalisée chez 30 volontaires sains de 18 à 49 ans en simple aveugle, visait à évaluer la sécurité et l’immunogénicité du vaccin à 4 doses croissantes (12,5 ; 25 ; 50 et 100 mg). Les volontaires ont reçu un total de 3 doses de vaccin par injection intramusculaire (une tous les 28 jours). La tolérance a été évaluée aux jours 3, 7 et 14 suivant la vaccination. L’immunogénicité a été évaluée aux jours 0, 14, 28, 56, 84 et 180 par des méthodes permettant de mesurer la concentration d’anticorps IgG anti-PA83 et le taux d’anticorps neutralisant la toxine.

L’innocuité et l’immunogénicité du vaccin ont été démontrées aux 4 doses testées sans apparition d’évènements indésirables graves. La réponse immunitaire au vaccin a été dose-dépendante. Le groupe avec la plus forte dose a présenté la réponse la plus immunogène avec un pic d’anticorps IgG anti-PA83 et d’anticorps neutralisants au jour 84, soit 1 mois après la dernière dose de vaccin.

Les auteurs concluent en validant l’intérêt d’un type de production alternatif d’antigène recombinant d’origine végétale et en projetant la poursuite des étapes de développement clinique du vaccin.

Jean-Paul Boutin, SFMTSI

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Références :

Charbon. In : ePILLY Trop. Maladies infectieuses tropicales. Troisième édition web, juin 2022, chapitre 77, 553-557. Editions Alinéa Plus. Disponible à : https://www.infectiologie.com/fr/pillytrop.html.

Chichester JA, Manceva SD, Rhee A, Coffin MV, Musiychuk K, Mett V, et al. A plant-produced protective antigen vaccine confers protection in rabbits against a lethal aerosolized challenge with Bacillus anthracis Ames spores. Hum Vaccin Immunother. 2013 Mar;9(3):544-52. doi: 10.4161/hv.23233

Paolino KM, Regules JA, Moon JE, Ruck RC, Bennett JW, Yusibov V, et al. Safety and immunogenicity of a plant-derived recombinant protective antigen (rPA)-based vaccine against Bacillus anthracis : A Phase 1 dose-escalation study in healthy adults. Vaccine. 2022 Mar;40(12):1864-1871. doi: 10.1016/j.vaccine.2022.01.047

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